
A Chamvres, la jeunesse redonne vie au patrimoine rural
Grâce à l’association Rempart et au soutien de la Fondation AGIR, des bénévoles venus du monde entier redonnent vie aux peintures murales du XVIIe siècle de l’église Saint-Léonard de Chamvres, dans l’Yonne. Un chantier initié grâce au dynamisme de la jeune association locale du village.
Dans la fraîcheur d’une église, au cœur de la canicule
Mi-août, en pleine vague de chaleur, Chamvres semble assoupi. Les rues du petit village de l’Yonne sont désertes, écrasées par le soleil. Mais à l’intérieur de l’église, l’atmosphère change brutalement. Une fraîcheur inattendue enveloppe les murs séculaires. Le silence, presque sacré, n’est brisé que par des bruits précis : un coup de maillet, le frottement d’un scalpel, le cliquetis d’un échafaudage qu’on déplace.
C’est là que se joue une aventure collective : un chantier de restauration de peintures murales du XVIIᵉ siècle, porté par une association locale, encadré par la fédération Rempart et rendu possible grâce au soutien de la fondation AGIR en Champagne-Bourgogne.« Ces chantiers permettent à des personnes de tous âges et de tous horizons de se retrouver autour d’un projet collectif, explique Monica Hambourg, présidente de la Fédération Rempart Bourgogne–Franche-Comté. On y crée du lien social, de l’interculturalité, de l’intergénérationnel. »

Des bénévoles venus du monde entier
Sous les voûtes de l’église, huit bénévoles s’activent, accompagnés de deux restauratrices professionnelles. Certains sont étudiants en histoire de l’art, d’autres viennent pour vivre une expérience humaine ou tester une reconversion. Tous se retrouvent autour de ce patrimoine à sauver. Jade Arnaud, étudiante en histoire de l’art à Aix-en-Provence, gratte délicatement une section de peinture. Le visage concentré, elle se redresse un instant : « Trouver un stage en restauration quand on n’a pas d’expérience, c’est presque impossible. Ici, c’est une vraie chance. Je découvre la peinture murale, un domaine qui me passionne. Le travail est intense, parfois épuisant, mais on apprend tellement… Et puis, les habitants sont adorables, ils nous apportent des gâteaux, des crêpes. Pour moi, c’est du travail, mais aussi des vacances. » À côté d’elle, deux autres bénévoles échangent en anglais. « On a souvent des participants étrangers, précise Monica Hambourg. La barrière de la langue existe, mais elle devient une force. On s’exprime en français, en anglais, parfois avec des gestes… Ça fait partie de l’expérience. »
Au milieu de l’église, deux femmes se tiennent penchées sur les parois : Morgane Duro, restauratrice diplômée, encadre les bénévoles. « Nous travaillons au scalpel, centimètre par centimètre. On enlève les enduits qui recouvrent les peintures et on recolle les écailles qui menacent de tomber. C’est minutieux, parfois ingrat, mais passionnant. » Ce travail, elle le pratique au quotidien dans son métier, mais le chantier lui offre une dimension différente. « Prendre le temps de transmettre, d’expliquer, d’échanger avec les habitants… ça change notre regard. On redécouvre notre métier sous un angle plus humain. C’est très valorisant. »
L’église au cœur de la vie du village
Si ce chantier a pu voir le jour, c’est grâce à l’association locale présidée par Alain, un habitant du village. « Au départ, nous voulions juste restaurer la toiture de l’église, raconte-t-il. Puis, en découvrant ces peintures murales, nous avons compris qu’il y avait là un trésor. Une expertise a confirmé leur valeur historique et nous avons décidé de nous lancer avec Rempart. » L’aventure a mobilisé toute la commune. La mairie a prêté l’échafaudage, la communauté de communes a mis la main à la poche, Rempart a assuré la coordination, et la fondation AGIR a apporté un soutien financier : 3 000 € sur les 18 à 20 000 € nécessaires pour un chantier de ce type.« Sans cette aide, reconnaît Alain, on n’aurait pas pu lancer la restauration. Tout seul, un petit village comme le nôtre n’a pas les moyens. »
Pour la fondation AGIR, c’est précisément le but : donner aux associations locales les moyens de concrétiser leurs projets. « Une restauration, c’est un marathon, souligne Monica Hambourg. Ça s’étale sur plusieurs années. Le soutien de la Fondation n’est pas seulement ponctuel : il garantit que le chantier puisse se poursuivre dans la durée. » Au-delà de l’aspect financier, le choix de financer ce type de projet envoie un signal fort. Cela montre que le patrimoine d’un petit village, aussi modeste soit-il, a une valeur, et que son entretien contribue à la vitalité du territoire.

Chamvres au rythme du chantier
Dans le village, on ne parle que du chantier. Certains habitants passent régulièrement voir l’avancée des travaux, d’autres apportent un plat cuisiné pour partager le repas avec les bénévoles. Les commerçants se sentent eux aussi concernés. « Un chantier de bénévoles, ce n’est pas seulement de la restauration, insiste Monica Hambourg. C’est de la vie de groupe, des repas, des visites, des moments conviviaux. Ça implique les habitants, les élus, les commerçants. C’est un outil formidable pour renforcer la cohésion d’une communauté. » Et les retombées ne sont pas que sociales. « Ça réveille le village, résume Alain. Sans ça, Chamvres serait endormi. Aujourd’hui, on attire des visiteurs, on fait découvrir notre histoire. C’est du patrimoine, mais c’est aussi un levier pour le tourisme. »
Un réseau qui dépasse les frontières
Le chantier de Chamvres n’est pas un cas isolé. En Bourgogne–Franche-Comté, la fédération Rempart encadre chaque année plusieurs chantiers : restauration de châteaux, consolidation de remparts, inventaires archéologiques, remise en état d’une péniche en bois… « Il y a beaucoup de choix, note Monica Hambourg. Et si quelqu’un ne trouve pas son bonheur ici, le réseau Rempart permet de partir sur un chantier ailleurs en France, voire à l’étranger. » Le recrutement se fait via une plateforme nationale, mais aussi par des partenariats locaux avec l’Université de Bourgogne, les missions locales ou encore des écoles d’architecture à l’étranger. « Cela permet une vraie mixité sociale et culturelle, ajoute Monica. On accueille des jeunes issus de milieux très divers, et aussi des personnes plus âgées, motivées par l’engagement citoyen et l’envie de rencontrer du monde. »

L’expérience humaine avant tout
Dans l’église, Jade reprend son travail, appliquée. Elle sait qu’elle n’aura pas le temps de terminer la section qu’on lui a confiée. La restauration prendra plusieurs années, avec plusieurs campagnes de bénévoles successives. Mais cela ne la décourage pas. « Je pense revenir l’an prochain, confie-t-elle. J’aimerais voir le chantier avancer, retrouver les gens que j’ai rencontrés. On crée des liens forts. » C’est cette dimension humaine que tous les acteurs mettent en avant. « On redonne vie au patrimoine, mais surtout, on transmet des savoir-faire, souligne Monica Hambourg. On porte des valeurs fortes : l’engagement citoyen, la solidarité, l’inclusion sociale. Voir que le travail bénévole porte ses fruits pour un village, et qu’il permet aux gens de se rencontrer, c’est une grande satisfaction. »
En quittant Chamvres, le soleil est toujours accablant. Mais l’église, elle, garde son calme et sa fraîcheur. Derrière ses murs, des habitants, des bénévoles venus d’ici et d’ailleurs, des restauratrices passionnées continuent de travailler ensemble. Ce chantier est bien plus qu’une opération de sauvegarde patrimoniale : c’est une leçon de solidarité et de transmission. La fondation AGIR contribue à préserver l’âme du village. La pierre, ici, ne sert pas seulement à bâtir ou à restaurer. Elle rapproche les hommes.








